On a identifié depuis une vingtaine d’années un phénomène de baisse d’efficacité des traitements acaricides à base de molécules de synthèse dans les colonies d’abeilles, mais on a encore du mal à bien le cerner. C’est notamment le cas de l’Amitraz, principe actif des bandelettes Apivar® et Apitraz®, et du Tau-Fluvalinate (très utilisé dans les années 90), principe actif d’Apistan®. Ce phénomène est aussi observé avec d’autre molécules acaricides moins répandues (Coumaphos, Fluméthrine en particulier).
Concrètement, une population de Varroas présents dans la ruche devient capable de survivre au contact de la molécule à une dose en principe létale, ce qui, pour l’apiculteur, veut dire échec du traitement, et ce, même si les conditions d’utilisation (« RCP ») du médicament ont été respectées. Bien évidemment ce phénomène de résistance, qui pour l’Amitraz s’observe par « poches » géographiques rend encore plus complexe la stratégie de lutte pour les apiculteurs.
On en connait le mécanisme : une partie de la population de varroas au contact du produit devient résistant à l’occasion de différentes mutations sur plusieurs gènes, et, par pression de sélection devient ainsi la population dominante ; le caractère résistant est transmissible à la descendance. On a observé que le mécanisme inverse peut se produire, on parle de réversion de la résistance à la molécule. En effet, la résistance à l’acaricide semble se payer pour varroa par la perte d’autres avantages adaptatifs. La durée nécessaire à une réversion est variable selon les produits ; elle est de 4 à 6 ans pour le Tau-Fluvalinate et d’1 ou 2 ans pour l’Amitraz dans des conditions favorables.
On sait que les usages inappropriés de ces médicaments favorisent l’apparition de ces résistances, que ce soit l’utilisation de préparations sans AMM (donc non autorisés), de provenance douteuse, de produits sous dosés (par exemple une seule bandelette par ruche) ou au contraire sur dosage, bandelettes laissées au-delà de la durée prescrite, bandelettes scarifiées et réutilisées d’une année sur l’autre (!).
Dès lors, quelle conduite tenir ?
Si votre méthode de lutte repose sur la mise en place de bandelettes, on recommande assez classiquement d’alterner l’usage d’Amitraz et de Tau-fluvalinate, à raison d’un traitement tau-fluvalinate tous les 3 ou 4 ans. Pour cela reportez-vous au programme (PSE) de votre GDSA et bien sûr, respectez les prescriptions d’usage.
Le problème qui demeure vient de l’absence de certitude sur le niveau de sensibilité des populations de varroas de vos ruches lorsque vient le moment de traiter, d’où une défiance que l’on observe vis-à-vis des bandelettes chez certains apiculteurs. En clair, « comment puis-je être sûr que mon traitement va marcher ? ».
On ne peut malheureusement pas se baser sur une analyse génomique (en laboratoire) des varroas prélevés dans la ruche, car différents gènes sont en cause. D’autre part si, comme c’est le cas, plusieurs souches de varroas sont présentes dans la ruche, quelles seraient les règles de prélèvement ? C’est actuellement un sujet de recherche.
Un protocole de test (test de Pettis) relativement simple et réalisable au rucher a également été proposé, mais il ne donne pas totale satisfaction, aboutit à une proportion trop importante de « faux négatifs » et donc à une fausse sécurité.
En revanche une méthode structurée de comptage, avant et après la pose de bandelettes, peut fournir un mécanisme de « réassurance », ou en cas d’inefficacité constatée permettre de changer son fusil d’épaule, par exemple en se rabattant sur un protocole à base d’acide organique.
A titre d’illustration, nous testons depuis 2022 un protocole qui n’a encore fait l’objet d’aucune validation scientifique, reposant sur les principes suivants :
- On réalise sur les ruches-test un double comptage de varroas, par comptage au sucre + comptage des chutes sur langes, à quatre reprises : 2 semaines, 1 semaine avant pose des bandelettes, 1 semaine, 2 semaines après pose des bandelettes.
- On échantillonne les ruches test selon les règles de mesure de la pression varroa sur les ruchers (Rappel : Jusqu’à 6 ruches, toutes / de 6 à 10 ruches, 5 ruches test / de 11 à 20 ruches, 6 ruches test / de 21 à 50 ruches, 8 ruches test / plus de 50 ruches, 13 ruches test).
- Une fois les valeurs relevées, on regarde l’augmentation des chutes entre les mesures avant pose de bandelettes et après. Si ce pourcentage est supérieur à 25 %, on admettra que le risque de résistance est faible, s’il est inférieur à 10 %, une résistance est probable. Une diminution du nombre des varroas phorétiques (valeurs des comptages au sucre glace) entre avant et après pose des bandelettes pourra être utilisée pour confirmer.
Bien sur, quelques biais dans la méthode sont identifiés (par exemple bandelettes mal posées), mais dans la situation actuelle une méthode de ce type est probablement la meilleure façon de contrôler l’efficacité du traitement.
On redira pour finir que malgré ce problème de résistance possible, les traitement acaricides à base de bandelettes gardent tout leur intérêt.
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